C’était comme si j’avais escaladé une montagne et que j’avais peur de regarder en bas après m’être autant démené.
Quelles ont été les différentes étapes de création de votre film ?
L’idée était dans un coin de ma tête depuis longtemps, mais tout s’est accéléré à la naissance de ma première fille. Je réfléchissais à l’évolution de l’image que nous avons de nos parents, comment la vision idéalisée que nous avons d’eux se muait petit à petit en compassion, comment notre identité se formait, à quel point on contrôlait nos pensées et comment on transformait nos souvenirs. Je voulais rassembler toutes ces idées abstraites dans une expérience intime qu’elle pourrait un jour regarder.
Une fois le scénario écrit, j’ai passé plusieurs mois à chercher les bons acteurs. Le fait que le personnage principal soit si jeune m’a permis d’aborder les choses avec une grande ouverture d’esprit. J’ai vu des garçons et des filles de diverses origines, à la recherche d’une âme. Je savais que si je trouvais le bon acteur, je pourrais réécrire les détails de l’histoire pour lui. Après avoir trouvé Yared Scott, qui est d’origine australienne et éthiopienne, j’ai fait appel à quatre consultants de la même origine et j’ai adapté certains éléments de l’histoire.
La production du film a été compliquée, car on avait un budget serré. C’est grâce à nos sponsors et aux personnes qui ont travaillé bénévolement qu’on a pu y arriver. Tourner un film avec des jeunes, des amateurs, des animaux, des insectes, le tout dans des endroits en ruines ou dans des voitures, c’était un véritable défi. Heureusement que j’avais beaucoup de temps pour réaliser le montage ! Finalement, il s’est passé presque un an entre l’écriture et la diffusion à Cannes.
Quelle a été votre première réaction lorsque vous avez remporté la Palme d’or du Court Métrage au Festival de Cannes 2018 ?
J’étais avec ma compagne, Olivia, et ma compositrice, Chiara, et on ne savait pas si on avait la moindre chance. Quand ils ont annoncé mon nom, on a explosé de joie. Étonamment, je me suis senti incroyablement soulagé.
C’était comme si j’avais escaladé une montagne et que j’avais peur de regarder en bas après m’être autant démené. Mais à ce moment-là, je me suis autorisé à regarder en arrière et je me suis rendu compte à quel point ça avait été difficile. Pas uniquement ce film, mais toutes ces années à s’entêter à réaliser des films dans l’espoir qu’ils plaisent. J’avais surtout ce gros sentiment de soulagement. Et l’approbation du Festival représente énormément à mes yeux.
Quels sont vos meilleurs souvenirs de Cannes ?
J’étais venu avec ma fille âgée d’un an et elle se réveillait très tôt. Donc la journée, je passais la plupart de mon temps dans des réunions et ensuite, j’allais me coucher super tôt. J’étais donc loin de faire la fête. Mais la soirée d’ouverture, les films incroyables que j’ai vus, les cinéastes rencontrés, le dîner après la remise des prix, et bien sûr la projection officielle, resteront à jamais gravés dans ma mémoire.
Quel a été votre cheminement artistique depuis le Festival ?
Remporter la Palme d’Or attire l’attention. On m’a offert des opportunités très importantes et ça s’agite beaucoup autour de moi, donc ça prend du temps de digérer tout ça. Je passe la plupart de mon temps à écrire le long-métrage que j’ai évoqué au Festival. Ce film est très attendu à cause de la Palme d’Or que j’ai remportée, mais c’est une bonne chose. Avoir la sensation que tout le monde s’en fiche est bien pire.
Pouvez-vous nous parler de votre prochain film ?
Inside est un long-métrage dans la même veine que mon court, tant au niveau du style que du thème, même s’il se déroule sur fond de criminalité. Je travaille sur plusieurs versions depuis quelque temps maintenant. C’est formidable – et évidemment, douloureux et laborieux, comme tout travail d’écriture – de le voir naître et prendre forme tout au long de ces années.